Veille analytique en périnatalité, décembre 2023

Les articles présentés dans ce bulletin de veille abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de la petite enfance.

Parentalité

États-Unis et Royaume-Uni – Le lien entre la maltraitance durant l’enfance et le stress parental des nouveaux pères

Contexte

L’engagement des pères est bénéfique pour l’enfant, entre autres parce qu’il favorise sa sécurité, sa santé, son développement et son attachement. Or, le stress parental, qui correspond au stress occasionné par les demandes inhérentes à la parentalité, peut nuire à cet engagement. Ce stress est notamment associé à une faible réactivité aux besoins de l’enfant et, lorsqu’il est élevé, à la maltraitance. Les nouveaux pères sont particulièrement susceptibles de vivre du stress parental en raison des changements dans leur mode de vie, du temps nécessaire aux soins du bébé et de la réorganisation des rôles au sein du couple. Le fait d’avoir été soi-même victime de maltraitance durant l’enfance rendrait les pères encore plus vulnérables au stress parental. Dans l’optique de briser le cycle de la maltraitance, il apparaît pertinent de mieux comprendre le lien entre la maltraitance vécue durant l’enfance et le stress parental ultérieur chez les nouveaux pères.

Objectif et méthode

L’étude poursuivait deux objectifs. Premièrement, elle visait à comparer de nouveaux pères qui ont vécu de la maltraitance durant l’enfance à d’autres qui n’en ont pas vécu, et ce, au regard de différentes variables. Deuxièmement, elle visait à déterminer les prédicteurs du stress parental chez les nouveaux pères, en considérant, notamment, la maltraitance durant l’enfance.

L’étude utilisait un devis quantitatif descriptif. Au total, 371 nouveaux pères ont été recrutés en ligne. Ceux-ci ont répondu à des questionnaires, en ligne également, dans l’optique de faciliter l’expression autour de la maltraitance durant l’enfance, qui constitue un sujet sensible. Pour être inclus, les pères devaient avoir plus de 18 ans et avoir eu leur premier enfant dans les 30 derniers mois. Dans l’ensemble, 349 pères ont rempli tous les questionnaires, qui permettaient de mesurer 1) le stress parental; 2) l’exposition à des expériences traumatisantes durant l’enfance et les moyens utilisés pour s’y adapter; 3) les troubles mentaux et les séquelles de traumatisme (la réactivité importante dans les relations interpersonnelles et les manifestations extériorisées de colère), le cas échéant; 4) la qualité de la coparentalité actuelle. Des données démographiques ont aussi été recueillies.

Qu’est-ce qu’on y apprend?   

Parmi les 371 répondants initiaux, 33,2 % ont vécu au moins une forme de maltraitance durant l’enfance. 13,2 % remplissent les critères pour un diagnostic probable de trouble de stress post-traumatique, 16,7 % pour un diagnostic probable de dépression majeure, et 8,7 % pour les deux problématiques.

Les pères ayant vécu de la maltraitance durant l’enfance obtiennent des résultats qui diffèrent significativement des pères qui n’en ont pas vécu. Ils vivent plus de stress parental, de réactivité dans les relations interpersonnelles, et ont plus de manifestations extériorisées de colère. Leur coparentalité actuelle est évaluée comme étant de moins bonne qualité, et leurs propres parents sont aussi perçus comme ayant prodigué des soins de plus faible qualité durant l’enfance.

Dans un modèle statistique qui considère l’ensemble des variables mesurées, la qualité de la coparentalité, la réactivité dans les relations interpersonnelles et les manifestations extériorisées de colère sont les meilleurs prédicteurs du stress parental. La réactivité importante et la colère extériorisée sont parfois associées à une dépression sévère probable ou à un trouble de choc post-traumatique probable subséquemment à la maltraitance durant l’enfance.

Les auteurs concluent que :

  • Les résultats appuient l’existence de la transmission intergénérationnelle de la maltraitance. Ils soulignent qu’il est pertinent de considérer les séquelles des traumatismes, c’est-à-dire la réactivité dans les relations et les manifestions extériorisées de colère, au-delà des troubles mentaux;
  • Même si la période suivant la naissance apparaît comme une période particulièrement favorable aux interventions vu les liens déjà établis avec des services de santé et la possibilité d’agir avant que l’enfant ne subisse de conséquences négatives, les pères sont rarement visés par les interventions;
  • Compte tenu des points précédents, il serait pertinent d’offrir des interventions périnatales tenant compte des traumatismes à l’ensemble des pères, et particulièrement à ceux qui sont identifiés comme ayant vécu de la maltraitance durant l’enfance.

Limites

  • Les pères recrutés, à la fois ceux des États-Unis et du Royaume-Uni, ne sont pas représentatifs de la population de pères de ces deux pays. Les hommes blancs ayant un revenu élevé sont surreprésentés. À l’inverse, les pères qui ne sont pas résidents permanents sont sous-représentés;
  • Le fait d’avoir recruté des pères de très jeunes enfants augmente la probabilité qu’ils soient en coparentalité sous le même toit. Par ailleurs, les pères sélectionnés ne forment pas nécessairement une population uniforme, car le vécu de pères de nouveau-nés peut différer considérablement de celui des pères d’enfants de 30 mois;
  • L’étude reflète le stress parental à un moment précis alors que celui-ci fluctue; des données longitudinales seraient intéressantes en ce sens;
  • L’étude ne permet pas d’avoir de l’information sur les comportements des mères et la situation des enfants, qui sont des données pertinentes au regard de la transmission intergénérationnelle de la maltraitance.

Granner, J. R., Lee, S. J., Burns, J., Herrenkohl, T. I., Miller, A. L., & Seng, J. S. (2023). Childhood maltreatment history and trauma-specific predictors of parenting stress in new fathers. Infant Mental Health Journal.

Programmes, services et interventions

Irlande – La musique en tant que ressource pour la santé lors de la grossesse : enquête transversale auprès des femmes et de leurs partenaires

Contexte

Le bien-être pendant la grossesse peut avoir des effets bénéfiques à long terme tant sur la femme que sur l’enfant et la famille. Plusieurs études montrent que la musique peut contribuer à promouvoir la santé et le bien-être des parents et de leurs enfants.

Objectif et méthode

Cette étude exploratoire visait à décrire l’expérience d’utilisation de la musique lors de la grossesse, tant chez les femmes que chez leurs partenaires. Elle visait également à documenter le point de vue des participants sur le rôle possible de la musique dans les soins périnataux.

Une enquête transversale en ligne, de nature quantitative et qualitative, a été réalisée de juin à octobre 2020, en Irlande, auprès de 265 répondants, incluant 254 femmes enceintes ou ayant accouché dans les 12 mois précédant l’étude, ainsi que 11 partenaires. Un échantillon non probabiliste a été utilisé pour le recrutement. Des statistiques descriptives et une analyse de contenu ont permis d’analyser les réponses obtenues.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les résultats suivants illustrent certains aspects de l’utilisation de la musique chez les répondants :

  • 75 % des répondants ont chanté pour leur bébé à naitre, lors de la grossesse (pour établir un lien avec leur bébé ou pour le stimuler);
  • 47 % ont créé une liste musicale pour l’accouchement;
  • 46 % ont utilisé la musique de façon délibérée afin d’améliorer leur propre bien-être (par exemple pour la relaxation, l’amélioration de l’humeur, l’amélioration du sommeil ou pour le soulagement de certains inconforts tels que la nausée ou la douleur);
  • 88 % trouvaient qu’ils manquaient de conseils sur les bénéfices et l’utilisation de la musique, tant lors de la grossesse que pendant l’accouchement;
  • 78 % appuyaient l’idée d’avoir davantage de thérapie musicale dans le cadre des soins périnataux (interventions proposées les plus populaires : relaxation facilitée par la musique, groupes de musique parent-bébé, accouchement soutenu par la thérapie musicale, et consultation sur les listes musicales lors de la grossesse et l’accouchement).

Limites

Les auteurs mentionnent les limites suivantes :

  • Les résultats peuvent ne pas être généralisables à l’ensemble de la population, car les répondants ayant accepté de participer à cette étude sur la musique étaient vraisemblablement plus motivés à s’y intéresser et à l’utiliser;
  • Les caractéristiques démographiques de la majorité des répondants (blancs, scolarisés et plus fortunés) sont associées à un plus haut taux de participation à des sondages en ligne;
  • Les partenaires des femmes enceintes ayant accepté de participer sont peu nombreux.

Cheung P.S., McCaffrey T., Tighe S.M., Mohamad M.M. (2023). Music as a health resource in pregnancy: A cross-sectional survey study of women and partners in Ireland. Midwifery, 126.

Québec – Étude quasi expérimentale : efficacité du programme Triple P sur le stress et le sentiment de compétence parentale 

Contexte

Bien que la plupart des mères et des pères québécois rapportent être heureux dans leur rôle parental, des données récentes soulignent que plusieurs d’entre eux éprouvent un faible sentiment de compétence parentale quant à leurs capacités à s’occuper de leur enfant, ou vivent un stress lié aux comportements ou aux difficultés perçues chez ce dernier. Il est important de s’en soucier, car la réduction de ces difficultés parentales est associée à de nombreux bénéfices autant chez l’enfant que chez le parent, en plus de réduire les risques de maltraitance. Différentes stratégies de soutien aux habiletés parentales peuvent être déployées à ces fins, et Triple P représente un programme universel offrant cinq niveaux d’intervention d’intensité croissante selon les besoins des parents. Ce programme a fait l’objet de nombreuses évaluations quant à son efficacité, la plupart d’entre elles ayant été menées en contexte anglo-saxon. Cependant, peu d’études se sont attardées au maintien des effets à plus long terme dans d’autres environnements culturels et linguistiques.

Objectif et méthode

Cette étude quasi expérimentale visait à évaluer en contexte québécois l’efficacité des niveaux 3 et 4 du programme Triple P sur la réduction de certaines difficultés parentales, plus précisément le sentiment de compétence parentale et le niveau de stress ressenti, comparativement aux interventions habituelles dispensées par les services sociaux locaux. Les chercheurs ont également vérifié si le nombre de séances reçues, indépendamment du type d’intervention, influençait les résultats. Finalement, le maintien des effets du programme Triple P dans le temps a été mesuré.

Des parents québécois recevant l’une ou l’autre des interventions ont été recrutés, soit parmi : 1) ceux ayant participé aux niveaux 3 ou 4 du programme Triple P, et 2) ceux bénéficiant d’interventions relatives à leurs enfants et dispensées par les services sociaux. L’échantillon final était composé de 291 parents dans le groupe Triple P, et de 93 parents dans le groupe de comparaison. Les enfants des deux groupes étaient âgés de 0 à 12 ans. Des questionnaires standardisés ont été utilisés afin de mesurer le sentiment de compétence parentale et le stress avant le début des interventions Triple P, et à la fin du niveau suivi. Les participants du groupe de comparaison ont rempli les mêmes questionnaires standardisés dans un intervalle similaire. Le nombre de séances reçues a été comptabilisé chez les deux groupes. Finalement, une mesure du maintien des effets a été effectuée chez 164 des 291 parents ayant participé au programme Triple P, deux à quatre ans suivant la fin de l’intervention. Le maintien des effets à long terme n’a pas été mesuré chez les parents du groupe de comparaison.

Qu’est-ce qu’on y apprend

Les chercheurs ont observé des changements significatifs entre les deux temps de mesure selon le type et l’intensité de l’intervention :

  • D’une part, les parents qui avaient suivi le programme Triple P démontraient une plus grande amélioration au niveau de leur sentiment de compétence et de leur niveau de stress, comparativement aux parents qui recevaient les interventions des services sociaux;
  • D’autre part, plus le nombre de séances reçues était élevé, indépendamment du type d’intervention, plus les parents rapportaient des effets positifs.

De plus, les effets du programme Triple P sont demeurés significativement plus élevés de deux à quatre ans après la fin du programme, comparativement aux mesures prises avant le début du programme.

Selon les auteurs, ces résultats suggèrent que le programme Triple P offre aux parents une intensité d’intervention dont l’efficacité se maintient dans le temps. L’article présente également une analyse de la part de variance attribuable au programme.

Limites

Plusieurs limites sont énumérées par les auteurs : l’absence de randomisation entre les groupes, l’absence de mesure à long terme chez le groupe de comparaison, le fait que certaines variables comme l’origine ethnique n’aient pas été mesurées et que les questionnaires soient autorapportés. Finalement, l’attrition et le dédommagement financier pourraient avoir entraîné un biais de représentativité dans l’échantillon.

Gagné, M.-H., Brunson, L., Piché, G., Drapeau, S., Paradis, H., & Terrault, Z. (2023). Effectiveness of the Triple P Program on parental stress and self-efficacy in the context of a community roll-out. Journal of Child and Family Studies, 32(10), 3090‑3105.

Inégalités sociales de santé

International – Revue critique : La médiation interculturelle dans les soins périnataux

Contexte

Les personnes migrantes peuvent être confrontées à des difficultés d’accès à des soins de santé de qualité en raison des barrières linguistiques, ainsi que des différences dans leur façon de comprendre la notion de santé et la connaissance des systèmes de soins. Aux États-Unis, les personnes confrontées à des barrières linguistiques ont tendance à avoir un moindre accès aux soins préventifs, ainsi qu’aux soins primaires réguliers. Des expériences négatives en matière de soins et de mauvais traitements pendant la grossesse sont rapportées par certaines patientes lorsqu’elles font face à des barrières linguistiques. Ces situations peuvent être à l’origine ou reproduire des inégalités en matière de santé, notamment chez les demandeuses d’asile et les femmes réfugiées, lesquelles présentent des issues défavorables de grossesse plus élevées que celles de la population générale (taux de mortalité maternelle, de naissances prématurées et d’anomalies congénitales, santé mentale moins favorable).

Dans un contexte de migration croissante, la médiation interculturelle offre une occasion unique d’améliorer la communication et la confiance entre l’équipe soignante et les patients issus de divers milieux culturels et linguistiques, d’autant plus pendant la période périnatale, laquelle est une fenêtre cruciale pour que les familles s’engagent dans le système de soins. Déjà documentée dans certains domaines de la médecine tels que l’oncologie et la santé mentale, la littérature sur la médiation interculturelle mérite d’être explorée dans le domaine des soins périnataux.

Objectif et méthode

Cette revue critique visait à synthétiser la littérature qui décrit la médiation interculturelle dans les soins périnataux et identifier les moyens d’intégrer cette pratique au sein des équipes qui prodiguent ces soins. Une recherche de la littérature scientifique a été effectuée dans plusieurs bases de données en utilisant des mots clés liés aux concepts de médiation interculturelle, de santé maternelle et infantile et de la langue. Les travaux inclus devaient : 1) être publiés sans égard à la date, 2) être des études primaires sans égard au pays, 3) être disponibles en anglais, 4) décrire un exemple de médiation interculturelle, selon la définition de Jezewski : « faire un pont, établir un lien ou servir de médiateur entre des groupes ou des personnes de différentes origines culturelles »1, et 5) se dérouler en contexte de soins périnataux, y compris la préconception, la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Au total, 33 articles revus par les pairs et publiés de 2010 à 2022 ont été sélectionnés.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Sur les trente-trois études incluses dans la revue, on retrouvait : dix-neuf études qualitatives; cinq études quantitatives (dont quatre études de cohorte et une étude transversale); trois études à devis mixte; trois études de cas; deux ethnographies et un essai contrôlé randomisé.

  • Douze études ont été menées aux États-Unis, douze en Europe et sept en Océanie;
  • Il ne semble pas y avoir de consensus dans la littérature scientifique quant à une définition claire de la médiation interculturelle;
  • Les médiateurs interculturels ont le plus souvent exercé les professions de doula et/ou d’interprète dans la plupart des études;
  • Aucun article ne décrit les effets de la médiation interculturelle sur l’état de santé des patientes;
  • La médiation interculturelle peut offrir une opportunité d’améliorer la confiance des patients envers les professionnels consultés et l’engagement dans le système de santé;
  • Les éléments qui favorisent le bon exercice de la médiation interculturelle comprennent :
    • La collaboration interprofessionnelle au sein de l’équipe soignante;
    • La construction et l’instauration d’un lien de confiance entre le médiateur interculturel, le patient et le clinicien;
    • Un écosystème favorable à la médiation interculturelle au sein du système de santé.
  • Les éléments qui entravent le bon exercice de la médiation interculturelle sont :
    • Une incompréhension des responsabilités et des rôles des médiateurs interculturels;
    • La faible disponibilité et accessibilité aux médiateurs interculturels;
    • Une rémunération inadéquate des médiateurs interculturels.
  • Une intervention de médiation interculturelle devrait couvrir quatre objectifs clés :
    • Un soutien linguistique qui assure la compréhension entre le patient et l’équipe de soins;
    • Le rapprochement des différences culturelles à travers la médiation;
    • Le soutien social (émotionnel, instrumental et informationnel) et la défense des droits;
    • La navigation dans le système de santé.
  • Les membres de l’équipe soignante doivent être formés à l’humilité culturelle, comprendre le rôle du médiateur interculturel et l’impliquer dans l’équipe tout au long du parcours de soins;
  • La diversification de la main-d’œuvre devrait être élargie afin d’inclure dans les équipes des personnes ayant des compétences en médiation interculturelle et/ou les mêmes origines ethniques que les patientes desservies.

Limites

Quelques limites ont été identifiées par les auteurs. L’existence d’une terminologie ambiguë dans la littérature qui ne nomme pas explicitement « la médiation interculturelle » en est une. Il est probable que d’autres exemples de médiation interculturelle existent, mais ne sont pas documentés dans la littérature scientifique. Deuxièmement, il y a très peu de données quantitatives complémentaires aux études qualitatives. Enfin, les perspectives du médiateur interculturel, du patient et du clinicien ne sont pas toujours prises en considération dans les études qui évaluent la médiation interculturelle.

DiMeo, A., Karlage, A., Schoenherr, K., Spigel, L., Chakraborty, S., Bazan, M., & Molina, R. L. (2023). Cultural brokering in pregnancy care: a critical review. International Journal of Gynecology & Obstetrics, 163(2), 357‑366.

1 Jezewski, M. A. (1990). Culture brokering in migrant farmworker health care. West J Nurs Res,12, 497-513.

Mexique – La violence fondée sur le sexe subie par les femmes migrantes en raison des politiques dissuasives en lien avec les demandeurs d’asile

Contexte  

La récente politique d’immigration des États-Unis se dote d’initiatives destinées à dissuader les nouveaux arrivants, laissant ainsi des milliers de migrants en attente dans les villes frontalières mexicaines, dont une proportion considérable de femmes enceintes et de mères de jeunes enfants. Il existe des lacunes importantes dans les connaissances empiriques concernant l’effet des politiques dissuasives en lien avec les demandeurs d’asile sur les expériences de violence fondée sur le sexe des femmes migrantes.

Objectif et méthode  

L’objectif de cette étude qualitative était de décrire les expériences de violence fondée sur le sexe des femmes enceintes et des mères demandeuses d’asile à la frontière entre le Mexique et les États-Unis pendant le début de la pandémie de COVID-19, notamment dans le contexte de violence structurelle et juridique perpétrée par les politiques dissuasives en lien avec les demandeurs d’asile.

Au total, trente femmes enceintes et mères demandeuses d’asile âgées de 18 à 49 ans, ayant été enceintes ou en post-partum depuis le début de la pandémie de COVID-19 (mars 2020), et ayant émigré à Tijuana, au Mexique, pour demander l’asile aux États-Unis, ont participé à l’étude. L’échantillonnage de convenance a été privilégié afin de documenter diverses expériences, notamment les expériences migratoires, les expériences en matière de soins de santé et l’âge des femmes.   

Des entrevues semi-structurées ont été menées avec les femmes dans leur langue maternelle (espagnol ou créole haïtien) de juin à décembre 2022. Par la suite, les auteures ont procédé à une analyse thématique des données recueilles. À ce stade, un cadre conceptuel sur la violence structurelle, ainsi que la littérature sur les demandes d’asile, les politiques dissuasives en lien avec les demandeurs d’asile et la violence fondée sur le sexe, ont été utilisés pour organiser et présenter les résultats.   

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les femmes enceintes et mères demandeuses d’asile sont confrontées à de multiples formes de violence fondée sur le sexe tout au long de leur parcours migratoire (prémigration, sur la route et à Tijuana). Ces expériences de violence sont exacerbées par les politiques dissuasives en lien avec les demandeurs d’asile. Celles-ci forcent les femmes à vivre dans des conditions dangereuses, par exemple, de longs temps d’attente pour traverser la frontière ou des abris inadéquats, contribuant ainsi à la vulnérabilité des femmes face aux violences fondées sur le sexe. L’exposition répétée à la violence contribue à une mauvaise santé mentale chez les femmes qui signalent des sentiments de peur, d’isolement, de désespoir, de honte et d’anxiété. Enfin, le manque de soutien et de recours juridiques liés à la violence fondée sur le sexe permet aux auteurs de violence contre les femmes d’agir en toute impunité, perpétuant ainsi la vulnérabilité à la violence chez les demandeuses d’asile.

Limites      

Les auteures identifient quelques limites à cette étude. Tout d’abord, elles soulignent qu’il est possible que la gamme d’expériences de violence à laquelle sont confrontées les femmes demandeuses d’asile ne soit pas documentée dans cette étude. Par exemple, les femmes ayant subi les formes les plus graves de violence, telles que la mort, l’enlèvement ou la traite, ne sont pas incluses dans l’échantillon. Ensuite, puisque les résultats rapportent les expériences des femmes enceintes et des mères demandeuses d’asile, il est possible que les résultats ne s’étendent pas aux femmes qui ne sont pas enceintes ou déjà parents.    

Ramage, K., Stirling-Cameron, E., Ramos, N. E., Martinez SanRoman, I., Bojorquez, I., Spata, A., Baltazar Lujano, B., & Goldenberg, S. M. (2023). “When you leave your country, this is what you’re in for”: experiences of structural, legal, and gender-based violence among asylum-seeking women at the Mexico-U.S. border. BMC Public Health, 23(1), 1699.

Développement de l’enfant

États-Unis – Exposition prénatale à la pollution de l’air et état de santé des nourrissons

Contexte

Selon l'hypothèse de l'origine fœtale, des agents stressants externes pourraient influencer le développement du fœtus et entraîner une détérioration de sa croissance physiologique. La pollution, entre autres, agirait comme un déclencheur environnemental qui acheminerait un signal au système reproducteur de la mère. S’ensuivraient la modification des codes épigénétiques et l’inhibition de l’expression de certains gènes liés à la croissance. Cette régulation génétique entrave le développement des tissus et des organes et peut être associée à de moins bonnes évaluations de santé à la naissance.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était d’examiner l'effet de la pollution atmosphérique sur l’état de santé de nouveaux-nés à travers de nombreux comtés américains et sur une période de 41 ans.

Les registres de naissances du National Center for Health Statistics (NCHS) ont été examinés. Chaque registre de naissance était identifié par comté et comprenait des informations sur le nouveau-né et ses parents. L'échantillon a été limité aux mères âgées de 15 à 45 ans, car les naissances en dehors de cette tranche d'âge sont rares et leurs issues peuvent être fortement influencées par des facteurs liés à l'âge. L'échantillon a aussi été limité aux années 1980 à 2020, car les données sur les naissances et la pollution atmosphérique sont plus complètes pour les années postérieures à 1980. Les données sur la pollution de l’air ont été extraites des rapports quotidiens de l’Environmental Protection Agency en provenance de 1270 comtés. Les données de précipitations dans chaque comté ont été extraites des fichiers du Global Surface Summary of the Day fourni par la National Oceanic and Atmospheric Administration.

Les auteurs ont utilisé des analyses de régression pour mesurer l’effet de l’exposition à la pollution pendant la grossesse (ozone, particules atmosphériques d’un diamètre inférieur à 10 micromètres [PM10] et précipitations) sur l’état de santé du nourrisson à la naissance (poids de naissance, faible poids de naissance, très faible poids de naissance, poids de naissance à terme, croissance fœtale, âge gestationnel et naissances très prématurées). Pour tenir compte des différences de résultats entre les familles de divers milieux sociodémographiques, les données ont été ajustées pour la race, l'origine ethnique, l'âge et le niveau d'études de la mère, le fait que la mère ait eu des visites prénatales et l'âge du père.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Près de 70 millions de dossiers de naissance ont été évalués de 1980 à 2020. Les analyses démontrent une association forte et négative entre les précipitations et la pollution de l'air. Par exemple, une augmentation d'un écart-type des précipitations est associée à une diminution de 6,5 % et de 12,2 % d'un écart-type de l'ozone et des PM10, respectivement. Les résultats démontrent aussi des effets importants de la pollution atmosphérique sur l’état de santé à la naissance. Selon les auteurs, une augmentation d'un écart-type de l'ozone et des PM10 est associée à :

  • Une diminution du poids de naissance de 20,1 et 19,5 g;
  • Une réduction significative de la croissance fœtale de 0,27 à 0,39 g/semaine de gestation;
  • Une augmentation de 6,4 % et de 5,9 % (par rapport à la moyenne) de la proportion de nourrissons de faible poids à la naissance;
  • Une augmentation de 9,5 % et de 10,7 % de la proportion de nourrissons de très faible poids à la naissance;
  • Une augmentation de 12,8 % et de 21,6 % de la proportion de naissances très prématurées.

D’autres constats découlent d’analyses secondaires :

  • Les effets sont plus prononcés chez les nouveaux-nés dont le poids à la naissance et l'âge gestationnel sont les plus faibles;
  • Les effets les plus importants sont observés aux deuxième et troisième trimestres de grossesse;
  • Des effets plus importants sont aussi observés chez les nouveaux-nés de mères peu éduquées et ceux vivant dans des comtés à faible revenu.

Les auteurs concluent que les résultats des études précédentes sous-estiment considérablement les effets réels de la pollution sur l’état de santé à la naissance, et que les politiques de santé publique et environnementale qui visent à réduire la pollution ont le potentiel de réduire les disparités en matière de santé et de combler l'écart dans la santé des nourrissons entre les différentes sous-populations.

Limites

Les auteurs soulèvent quelques limites à leur étude. Tout d’abord, bien que ces derniers aient tenté de résoudre les problèmes d'endogénéité inhérents à leur devis de recherche, les effets observés révèlent des associations, et il convient d'être prudent lorsque l'on interprète ces liens comme une relation de cause à effet. De plus, il y avait environ 900 comtés pour lesquels des données cohérentes de surveillance de la pollution étaient disponibles. Ainsi, des résultats différents auraient pu être observés si l'étude avait eu accès aux niveaux de pollution dans tous les comtés. Enfin, la mesure de la santé des nourrissons était basée sur le poids de naissance et l'âge gestationnel. Or, il a été démontré que la pollution peut entraîner la mort fœtale et néonatale. Si des nourrissons plus vulnérables n'ont pas survécu en raison d'une exposition in utero à la pollution, les associations observées ne révèlent pas les coûts totaux de la pollution et sous-estiment les effets réels.

Noghanibehambari, H., Bagheri, H., Salari, M., Tavassoli, N., Javid, R., & Toranji, M. (2023). Breathing in the future: prenatal exposure to air pollution and infants’ health outcomes in the USA. Public Health, 225, 198‑205.

Rédacteurs

Hélène Arguin
Stéphani Arulthas
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Liliana Gomez
Danielle Landry
Andréane Melançon

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Mise en page
Sarah Mei Lapierre

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.